Ne vous méprenez pas...!

Un loir isolé, au fin fond d’une pièce dans laquelle ça crie et ça chahute. Un conflit tressaillant l'a amené ici, dans cette pièce à la fois vide et remplie de monde. Le souci du loir est invisible, sa façade est rudement bâtie. À l’intérieur pourtant - cet autre type d’intérieur dont nous connaissons chacun l’enjeu - résonne une foule de songes en désordre. Son ami est là, au loin. Il s'approche du loir, hésitant. L’ami finira par s’assoir tout près.

"Ne vous méprenez pas dit le loir. Ne me prenez rien. Ne me prenez pas ce qu’il me reste, et si je me contrains taire, je n’aurai en rien à m’en excuser. Je suis déjà à vos genoux braves gens, que vous faut-il de plus ? Ne me prenez pas ma plume, ne me prenez pas mon silence. Ne me prenez pas le regard, c’est ce qu’il me reste à vous offrir. Ma dignité est sur le pas de la porte, tandis que vous autres riez aux éclats, insouciants, m’implorant de participer à vos festivités. Je vous en conjure, ma douleur est forte et la honte m’envahit de toute part.

Le loir, tu n’es ni perdant ni gagnant. Dit l’ami. "Tu ne perdras rien, si ce n’est qu'un peu de vie, un peu de grimaces, un peu de voix.

Ne vous méprenez pas. Je ne perdrai ni ne gagnerai. Dit le loir. "Je hurlerai pour que l’on m’écoute, je hurlerai, si seulement vos regards se détournaient du mien.

Le loir, le silence est l’harmonie de ton âme. Ton silence épouse les rires environnants, ta grâce est celle-ci. Écoute-moi encore, touche-moi comme tu sais si bien le faire. Ce n’est point sacrifice que de me faire part de ta bonté.

 “Ne vous méprenez pas. Je ne suis pas un rempart, je ne suis pas un remède, certainement pas le mien. Ma raison s’est détachée, je te l’offre toute entière. Je m’abstiendrai de conseils me concernant, je t’en fais cadeau. Mais ne vous méprenez pas, je refuse de perdre. Ne vous méprenez pas, je refuse de me perdre dans cette foule en délire. Je voulais un échange, je n’ai simplement rien reçu. Répond tristement le loir. 

Le regard de l’ami se perd, ses yeux sont à présent vitreux : Ne vois-tu donc point ce que l’on tente vainement de t’offrir ? Tu es bien vaniteux pour un loir. Toi qui dis te taire pour observer, toi qui dis douter pour décider, te voilà ignorant du partage, te voilà ignorant de ces chagrins que l’on t’offre, et de ces vertus que l’on te confère. Nos rires et nos paroles valent ton silence, il n’y a qu’à deux que l’on se dénude. Ce que tu nommes raison est déraisonné par le conflit, il n’y a rien de plus évocateur que ton silence, à condition de l’accepter."

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les mots

Persévérance

Les recoins cachés du langage ?