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Affichage des articles du 2021

Le Loir et Le Raton

Après une dure journée de labeur, un raton laveur rentre dans son immeuble, et s’apprête à ouvrir, comme d’habitude, sa porte d’entrée, impatient de se faire un petit quelque chose à manger.  Le voisin, un grand loir qui passe juste à côté, salue d’un geste amical le raton-laveur tout en grimpant nonchalamment les escaliers.  Le raton-laveur le salue en retour, puis se retourne vers sa porte : malheureusement, le raton-laveur était bien loin d’imaginer que de nouvelles mésaventures viendraient, après cette journée, de nouveau le contrarier.  Un coup de clé ne suffit plus, la porte est bloquée.  Le raton-laveur réessaie, mais rien n’y fait.  Le loir qui, déjà sur son palier, s’apprête à rentrer, se retourne d’un coup, curieux de cette manifeste frustration chez son voisin le raton.  “Que se passe-t-il ?” Demande-t-il, toujours aussi cordial et subtil.  “Ma porte est bloquée” miaule le raton, “et ce n’est pas faute d’avoir essayé. La clé n’est sans doute plus bonne, et cela

Où avais-je la tête ?

I l était une fois quelqu’un dont la tête, plus précisément, l’esprit, était séparé du corps. Ce n’était pas évident de se déplacer avec un tel désavantage : Aucun médecin ne savait dire de quels maux pouvait bien souffrir cet homme, car impossible de situer la douleur. Si celle-ci était palpable par le corps physique, elle n’apparaissait en aucun cas en parole dans la bouche de l’homme. Et inversement : Si un désir ou un besoin était verbalisé par l’homme, son corps quant à lui restait figé. Quand le cœur de l’homme était brisé, il lui fallait retourner chez le médecin comme on irait chez le garagiste pour réparer celui-ci : Aussitôt dit, aussitôt fait. L’esprit de cet homme et le corps de cet homme vivaient ainsi indépendamment l’un de l’autre, le terrain de l’un n’empiétant jamais réellement sur le terrain de l’autre. L’esprit se destinait à des opérations mentales plus complexes, ou encore à quelques élans du cœur et du désir. Le corps, quant à lui, se traînait pour

Ils n'étaient qu'une fois

Il était une fois… Quelqu’un qui en savait trop et pas assez. Et quelqu’un qui était, se contentait d’être, de n’être qu’un être indivisible, mais qui n’était pas assez présent, ni assez grand. Il était une fois… Quelqu’un qui en savait trop, mais pas suffisamment. Celui qui en savait trop vivait avec celui qui se contentait d’être : Il n'était qu'une fois. Celui qui se contentait d’être n’avait plus suffisamment d’air pour respirer, et celui qui en savait trop lui a dit que peut-être, celui qui ne se contentait que de son être ne se suffisait plus à lui tout seul… Qu’en effet, pour manquer d’air, il faut manquer de quelque chose, et que s’il nous manque quelque chose, on ne peut plus se suffire. Or, celui qui en savait trop manquait lui aussi de quelque chose : Comme il en savait trop, il manquait de place, et s’ennuyait de ce qu’il connaissait déjà. Celui qui en savait trop et celui à qui il manquait de l’air devinrent amis sur ces quelques échanges, induisant ici un commun

La contingence des mots

Rien n’a de nom et la stabilité me ronge Une énigme se trace au rythme de tes songes Bornée, je me redresse et puis je plonge Le tonnerre a frappé : il est temps de gribouiller Quelques mots pour me distraire, Et je m’enivre d’éphémères Rien ne sert de me taire, rien ne sert de m’y complaire Danse dans la nuit qui se morfond de mirages Danse et n’écoute plus ta raison qui s’enrage Une nuit pour m’enivrer, un matin pour chanter Au rythme du temps, le ciel danse sur mes pas Une mélodie qui me demande tout le temps “pourquoi?” Soustrait du désespoir, m’apparait cet encas Telle une soif qui pleure dans le creux de mes bras Tragédie de l’aube d’un matin enneigé, Comme une lune qui pleure ne sachant à qui causer Rien n’a de nom, plus personne ne sait, Raison et passion laissent place à l’enivré Ça ne bouge plus et l’inaction se tait.

L'aube du vent

Les passagers du temps laissent leur empruntes sur les murs de la vie, Dans les sables de l’oubli, dans le spectre de la nuit, et, Quand les passagers du vent laissent derrière eux des traces du temps, Les passagers de la nuit, tout endormis, ne pensent plus qu’au lendemain, Quand l’ennui arrive enfin, la passion d’un court chemin, qui enfin, les étreint… Quand les passagers du vent, laissent derrière eux des traces du temps, Enlacés par le vent, et se tiennent la main, comme des enfants Un dernier souffle, un dernier cri, et de plus belle, voilà que la danse reprend Les passagers des sables mouvants se laissent bercer par les dernières vagues, Son allure, plus vivace qu’un train, plus vivace encore qu’un scintillement, Se laisse bercer, d’avant en arrière, par cette fraîche mélodie, Et ne distingue qu’au loin, l’avancée de ce qu’elle retient, C’est écrit dans le creux de ces quatre mains, Les passagers du temps par un simple coup de vent, S’enfuient et reprennent vie, un dernier coup

Les mots

J’éprouve une grande admiration pour les écrivains. Ils savent jouer et traduire par de simples mots, par de simples accouplements de syllabes et d’aphorismes une multiplicité d’images, un amas de chaleur émotionnelle et sensitive appréhendée par chacun face au monde. Comme des traducteurs, ce sont des architectes du langage, de la perception, des plus profondes, des plus imaginatives ; ces architectes savent traduire les maux de l’âme et manier d’un simple outil les plus complexes des mirages. Ils savent, comme les musiciens et les peintres savent le faire, transmettre et offrir en partage la résonance émotionnelle d’un nourrisson -de nous autres- qui ouvrons pour la première fois nos yeux sur le monde. Ces architectes de l’âme bâtissent et rebâtissent inlassablement un simple cri, une simple larme, un simple hochement de tête, un simple regard. Oui, j’entretiens un lien fort, et éprouve une affection particulière pour ces écrivains et chanteurs morts ou démodés, ces bipèdes qui se ma

Ne vous méprenez pas...!

Un loir isolé, au fin fond d’une pièce dans laquelle ça crie et ça chahute. Un conflit tressaillant l'a amené ici, dans cette pièce à la fois vide et remplie de monde. Le souci du loir est invisible, sa façade est rudement bâtie. À l’intérieur pourtant - cet autre type d’intérieur dont nous connaissons chacun l’enjeu - résonne une foule de songes en désordre. Son ami est là, au loin. Il s'approche du loir, hésitant. L’ami finira par s’assoir tout près. " Ne vous méprenez pas ” dit le loir. “ Ne me prenez rien. Ne me prenez pas ce qu’il me reste, et si je me contrains taire, je n’aurai en rien à m’en excuser. Je suis déjà à vos genoux braves gens, que vous faut-il de plus ? Ne me prenez pas ma plume, ne me prenez pas mon silence. Ne me prenez pas le regard, c’est ce qu’il me reste à vous offrir. Ma dignité est sur le pas de la porte, tandis que vous autres riez aux éclats, insouciants, m’implorant de participer à vos festivités. Je vous en conjure, ma douleur est for

Le Fantôme

Il y a un fantôme dans ma maison qui refuse de sortir C’est quand tu es parti qu’il a repris vie Il m’a brandi un bout de papier blanc Et il m’a demandé de le remplir Je lui ai demandé pourquoi Et le fantôme s’est mis à rire Il y a ce bout de papier blanc dans le coin de ma maison Et ce fantôme a rejailli des ténèbres Je ne savais plus quoi faire, Alors j’ai hurlé et ça n’a pas suffi à le faire taire Il continuait à rire du soir jusqu’à l’aube Il y a un fantôme chez moi qui s’éveille à la tombée du jour Et par son mutisme, je peux deviner les formes de sa robe blanche Son éveil est aveuglant et son silence assourdissant Chaque coin de pénombre me permet d’entre-voir son sourire Il y a un fantôme, et je m’imagine toujours le pire Je sais qu’il hurle au désespoir lorsqu’il cherche la gloire C’est lorsqu’il m’a brandi ce bout de papier blanc que j’ai compris Le fantôme s’est alors mis à pleurer, et entre deux sanglots, Il m’a demandé de lui offrir encore quelques mots J’ai cherché et quel

Ode à la contingence

 J’avais ces idées qui sautaient comme des folles J’avais ces idées et il fallait que je m’en débarrasse Alors que pourtant, la feuille blanche, elle, criait, “mais garde-les ! Garde-les !” Garde-toi bien de cette sainte simplicité, Et pourtant cette mélodie m’accapare à chaque virgule, à chaque consonne, Et je ne sais qu'en faire. C’est comme un générique qui se peaufine dans mon esprit, Et l’espoir gonfle sous ma peau, assailli par le clairon, Un désir fugace qui refuse de se taire, Une bouillie de pensées désarticulées qui rêvent de sortir prendre l’air, Se glisser délicatement sur ce papier blanc, pour ne le remplir qu’un peu Rien qu’un peu de noir sur du blanc, Rien qu’un peu pour faire beaucoup, Rien qu’un peu pour former un tout Oui, rien qu’un peu, je me méprends. J’avais cette folie qui ne voulait pas se contraindre au silence, Et cette lueur de vie infaillible sur mes doigts qui dansent Je danse sur du papier blanc, Je danse à la nuit, je danse à la liberté, Et voici qu’e

Les recoins cachés du langage ?

Et si je porte la vérité à l’intérieur de moi, que je l’a sais ma vérité, mais que cette vérité dont il est question n’est pas accessible aux autres ? Quelles sont les formes de partage possible ? ... Et si on transposait ce concept ailleurs, comme j’aime à le faire, ces temps-ci ? Chercher la gloire, c’est crier dans le vide. Chercher la gloire, le sommet, c’est faire de la lèche à la solitude. Ainsi Parlait Zarathoustra : “Au plus mon arbre s’élève, au plus mes racines s’enfoncent dans la terre.”  L’Homme selon Zarathoustra est comparable à un arbre. Plus il s’élève, plus il connait les profondeurs obscures et abjectes de cette fameuse solitude, et là-haut, il ne pourrait que mépriser les autres arbres, qui, à leur tour, cherchent à s'élever. Il ne pourra se faire entendre ; si mon but est de me faire entendre, alors je ne devrais pas chercher les sommets. Voici une interprétation de cette métaphore : Si je souhaite lutter contre la pensée à sens unique et favoriser un échang

Empirisme ?

Un plaisir fou émane de la passion, un feu brûle en moi, et jamais il ne s’éteindra, car il est, et restera ma raison de vivre.  Il est ma poussée vivace sur le monde qui m’entoure : En somme, le monde est une muse que j’observe au travers du prisme d’une connaissance que j’acquiers peu à peu de moi-même. Me voilà à lire de la théorie dans tous les sens, comme dans une prison qui me plaît, entre quatre murs, en pleine enquête... Me voilà à lire à l’envers, à interpréter à ma guise des concepts pourtant bien complexes ; cependant, cette passion me pousse à l'ouverture et à la connaissance, une passion qui n'a pas de direction précise mais qui cherche le remplissage, une forme si vous voulez, de condensation d'informations. La condensation ; Parlons-en. Comme dans les rêves - puisque ma vie est un rêve, un monde onirique- , je réuni une multitude d’éléments simultanés, accablée par l’impatience et par la frustration, la peur de ne rien savoir, ou bien la peur de mourir avant