PalindromE
Je ne sais plus à qui je m’adresse.
J’ai le cœur lourd. J’en suis navrée : peut-être que ma vie est faite pour être constamment créée comme une œuvre d’art continue, un mélodrame ou une comédie romantique. Je ne sais plus si la question de l’authenticité se pose. Les limites entre le texte, la fiction, et le réel des affects sont brouillés. Les choses s’écrivent et se dessinent au fur et à mesure qu’elles se vivent.
Cette nuit, j’ai rêvé que le médecin me disait que mon sang manquait d’oxygène. Comme si le flux de mes artères était si intense qu’il m’empêchait de respirer, qu’il m’empêchait d’avoir de l’espace, en somme. J’étouffe. Parfois, c’est comme si ma peau me tiraillait de partout, c’est comme s’il fallait à tout prix que je disparaisse, que je me noie dans un néant, ne serait-ce que quelques instants, comme une douce mort. Peut-être que c'est cela l’orgasme, aussi : une petite mort.
Peut-être que la mort, c’est agréable. J’ai l’impression que des mots débordent dans mon esprit, comme des petites bêtes sauvages qui ne demandent qu’à être domptées.
Serge Reggiani me souffle : “non, non, je ne suis jamais seule avec ma solitude”.
Quelle tendre et belle compagne qu’est la solitude… Mais quel est donc ce diable qui vient me souffler des horreurs sur cette dernière ? La solitude étouffante, néantisante, débordante, fluctuante. La solitude à deux peut pourtant être si jolie. Mais la passion indomptée est comme un grand lion séduisant, un lion dont les dents sont tranchantes.
Tu me dis que tu te refuses à prendre ce train : ce train de l’amour, de la passion, qui va on ne sait où. Tu me dis que tu crains que l’un de nous deux monte dans ce train sans l’autre. Et là, perdus dans cette passion flamboyante, la réciprocité disparait, parce que la solitude n’existe plus, et la singularité non plus. Parce que l’on se fond l’un dans l’autre. Tu as raison, et ta parole est sage, mais la mienne est encore si juvénile, si sauvage…
…Mais moi, je me jette dans la cage aux lions, prête à me faire dévorer toute crue. Moi j’ai peur, et pourtant, je me jette quand même dans le vide. Moi je veux vivre juste par peur de mourir. Moi, je veux vivre par peur de disparaître, je veux vivre passionnément quitte à en crever. Moi, je suis bouleversée. Quand on me dis que fumer fait du mal, je rallume une autre cigarette pour m’assurer de cette douleur. Je croyais vouloir quelque chose de profond, de solide, mais lorsque la situation se présente, alors mon ventre me brule, j’ai peur, je suis intimidée, et je voudrais m’enfuir. Quand la réalité du temps se produit, je réclame l’immédiateté.
Quand c’est immédiat et faussé par les vapeurs de l’engouement impulsif, alors plus rien ne compte, le monde matériel disparaît. Le monde entier disparaît. Je flotte dans les airs, je m’en vais six pieds sous terre, je suis désencombrée, un peu comme si je rêvais. Un peu comme un long rêve paisible, mais qui ne dure pas. Le lendemain me cogne en pleine tête, et vient me rappeler que mon corps n’aime pas ce que mon esprit veut lui faire subir. Mon esprit veut jouir au détriment de mon corps. Un esprit malsain, perdu au sein d’un corps qui se détériore. Est-ce bien à cela que je me condamne ?
Vous y verrez peut-être, ô vous lecteur, des paroles crues et mélancoliques, inquiétantes, sombres, lugubres et sinistres. Il n’en est rien.
Me voilà en train de déblatérer quelque chose qui fait sens dans mon être, et ce, même si par la forme tout cela paraît un peu fou, un peu dément.
Tu peux m’appeler ou m’écrire, je ne te répondrais pas. Je ne veux pas donner autant, je ne veux donner qu’un peu, sans me perdre. Je veux de l’espace, j’ai besoin de respirer, et de réfléchir. Je veux m’enfuir, découvrir d’autres plaisirs, je veux de la folie, du plaisir, pleurer et rire, je veux souffrir, dépérir, rejaillir, jouir, je veux draguer n’importe qui à l’abord d’une soirée dans un bar, faire l’amour sur un malentendu. Je veux m’effacer pour exister toujours plus fort.
Exister dans les yeux d’un autre, exister et persister dans la persévérance de l’existence.
Mais comme moi, mes œuvres d’art tombent dans le vide, dans un creux. Peut-être ne serais-je qu’une artiste connue post-mortem, peut-être une écrivaine ratée. Peut-être rien du tout… Faut-il mourir pour le savoir ?
Sans adresse, sans but, sans chemin.
Palindrome.
... Parce que ça se lit dans les deux sens, dans tous les sens.
Commentaires
Enregistrer un commentaire