SUICIDE
J’ai essayé pas mal d’options pour m’en sortir, j’vous assure… La belle voie de la convention thérapeutique, celle de mon psy’, qui me disait qu’il existait en ce bas monde de nouvelles manières de s’en sortir, plus créatives, au-delà des conventions et des normativités qui effacent (en vain) nos singularités… “Notre inconfortable singularité”, je crois que c’est l’une des rares chose singulière que j’ai retenu de ses textes.
Ce mot si tabou et imprononçable dans notre société me hantait, et je ne pouvais pourtant le prononcer sans être dénoncé. Pourtant, ce terme m’envahissait, me trottait dans la tête. J’étais prêt à sacrifier des nuits entières pour le comprendre, le prononcer, et l’écrire.
Je suis né dans une famille tout à fait réformiste, hors normes, du moins, hors des normes que nous connaissons tous si bien. Mais ce qui a tout changé, c’est que je suis tombé amoureux. Une femme folle, aussi folle que j’étais fou, une femme qui donnait du sens à l’existence alors que je n’en trouvais plus aucun. J’étais capable de contrer le matérialisme assourdissant de mon corps pour elle, quitte à boire des litres d’alcool. Car je voulais vivre, et je ne savais comment exprimer autrement ce besoin d’intensité qui transcendaient vos règles de vie… règles de vie. Car oui, ce sont des conventions. Le suicide, que j’idéalise, va au-delà. Ces artistes que j’écoute ont si bien su le dire, mais n’ont su aller au-delà… Car ils ont succombé à la tentation de la norme.
Comment faire comprendre au monde ce que je ressens, sans que ceux-ci me croient dingue ?
Oui, peut-être que ce soir, je laisse sortir ce grain de folie en moi grâce à l’alcool comme le faisait mon cher père… Mais peut-être avait-il saisi ce que nul ne comprend. Vous êtes dans vos normes, vos contraintes humaines, et vous n’y comprenez rien.
On est tous pareils, et tous différents : donc on est tous si différents que cela nous donne une bonne raison d’être d’accords. Je pense que j’aurai dû faire de la philo… L’ivresse me confère une vérité que je ne pourrais avoir dans la sobriété. (c’est peut-être une forme de connerie en somme)
Peut-être que j'écris ce texte par provocation, peut-être que je suis sadique : sadique envers moi-même, sadique envers les autres. Peut-être simplement ai-je ce besoin intense de tester les limites, et peut-être que ma vie toute entière ne se limitera qu'à cela... C'est ce que je parviens à construire à partir du suicide de mon propre père. Mais je ne puis me victimiser, car cela va en réalité bien au-delà. J'ai tous les outils en main pour me construire, et être la personne que j'ai choisi d'être. Mais j'y peux rien : le mal m'attire irrémédiablement. Peut-être que c'est faux : peut-être que tout cela n'est qu'une énorme performance artistique. Ma vie est un film, un roman... Je ne sais plus. Je ne sais plus si je suis un personnage, ou une personne.
Je créée à partir de cela, mais je reste traumatisée. Sur cette plage, figée, apprenant ta mort, papa. Car oui, c’est comme hier, et je continue à cherche bêtement à comprendre.
Et rien ne m’apaise, rien.
Même tous les mots les plus rationnels du monde.
Ce n’est pas la mort de mon père, c’est la vie. L’existence toute entière m’a traumatisée : je ne suis pas faite pour vivre, ma vie est une erreur, et j’ai su le dire très tôt.
Si seulement je n’avais pas grandi : si seulement j’avais grandi.
Note à moi-même (et peut-être aux autres) : Mais de quel amour on parle là ? Cet amour imaginaire idyllique ? Ou cet amour inconditionnel, c’est-à-dire celui qui se confronte aux réelles épreuves de la réalité… Celui qui affronte le quotidien… Et ne se limite pas aux rêves, aux fantasmes. Aux fantasmes d’unité parfaite… (Qui au fond ne s’assimile qu’à la mort : car la vie n’est faite que de différences… )
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