" C'est juste une expression ! "

 « C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase… Comme si j’avais besoin de ça en ce moment. »
« Qui est la goutte d’eau ? Qui est le vase ? »
« Ben… Le vase c’sont mes affects. Et la goutte d’eau c’est, ben… La situation, si vous voulez  »
« Et où vous situez-vous parmi ce vase et cette goutte d’eau ? »
« Moi je suis la table. Solide, droite, j’essaye de porter tout ce merdier sur mon dos, tant bien que mal. »
« La situation vous dépasse. Vous avez beau être solide, il en faut peu pour que tout dégouline sur vous, si j’ai bien compris. »
« C’est peut-être pas une goutte d’eau, en fait… Peut-être qu’il pleut, sur ce vase. Ceci expliquant cela. Il me semble que je devrais pouvoir faire meilleur usage de ce vase. Soit en l’écartant de toute humidité, ce qui est, admettons-le, utopique… Soit en y changeant régulièrement l’eau des fleurs. »
« Vous n’avez pas abordé les fleurs. N’est-ce pas là la fonction originaire du vase ? »
« Justement. Les fleurs ont besoin d’eau. Je me focalise donc sur l’eau. Et que cette eau assure sa fonction - celle d’abreuver mes fleurs -, je dois avant et surtout faire attention à ce que le vase qui les abrite soit solide. »
« Faut-il alors changer l’eau ? Ou bien le vase ? »
« Les deux. »


« Allons ! Ne crains rien, va. C’est pas la p’tite bête qui va manger la grosse ! »
« Je n’ai pas peur d’être mangé, j’ai peur de ce que j’ignore. Cette petite bête est si petite, si subtile, si fine qu’elle peut se faufiler un peu partout, dans des endroits que j’ignore, et elle peut réapparaître aussi vite qu’elle disparaît. Elle est présence et absence. Elle est discrète, presque invisible, et surtout incompréhensible. J’ai peur de l’inconnu, de l’ignorance, de la méconnaissance. C’est le visible qui est rassurant : le doute, lui, fait peur. Le doute induit en erreur, l’erreur tâtonne, mais l’erreur apprend aussi - l’erreur c’est l’inconnu, la nouveauté. Cette petite bête pourrait se dissimuler sous n’importe quelle forme, n’importe où. Cette petite bête me nargue !
La petite bête, elle ne mange pas la grosse, soit, mais elle lui prend la tête, à la grosse… »