Persévérance

"Même pieds nus la pluie n'irait pas danser"

Si "même pieds nus la pluie n'irait pas danser", et que "c'est en portant du chaos en soi qu'on accouche d'une étoile qui danse"... Mélangeons ces deux citations bien distinctes, décortiquons-les, et voyons ce qu'il en émane..

Est-ce que la pluie porte du chaos en elle ? Ou est-ce que la pluie, c'est le chaos ? 

C'est bien joli, mais le chaos ça ne danse pas. Il faut qu'il soit pieds nus pour danser, le chaos.

Est-ce que l'on pourrait imaginer maintenant, que le chaos porterait en lui une étoile qui danse ? Est-ce que l'on pourrait imaginer dans ce cas, que la pluie porte en elle le chaos, et qu'en dansant, elle accouche d'une étoile, qui, même lorsqu'il pleut, n'accouche pas ? 

Partons maintenant du principe qu'avoir les pieds nus comporte un risque, surtout s'il pleut : Celui d'être mouillé, mais aussi d'avoir froid, de s’érafler bêtement, en marchant n'importe où, par exemple. Alors, si être pieds nus comporte un risque, il ne peut pas pleuvoir. En parallèle, est-ce que la pluie, c'est le chaos ? 

Je crois qu'on a deux poètes en désaccord, alors là, je fais comme la pluie qui n'ose pas, je sèche. 

J'ai porté tant de chaos en moi, et ma plus grande souffrance est bien celle-ci : Je ne puis pleuvoir, et ce, même dénudée. L'exhibition m'est impossible, même dans ses grandes lignes, alors je préfère guetter la tempête à ma fenêtre, avec cette même béatitude, mais aussi avec cette même impatience, inconsistance de mon âme qui se refuse à exhiber ce qu'elle contient ou ne contient pas, à se mouvoir, se pleuvoir, qui se refuse à hurler, par peur peut-être - et la suite de notre ver pourrait être celle-ci -  d'une tempête imminente, par peur que le ciel bascule sous mes larmes, par peur que la terre ferme sous mes pieds ne s'écroule. 

Il est pourtant dit ici qu'il est nécessaire d'être pieds nu pour danser, même si cela n'a toujours aucun effet sur la pluie qui reste en proie au doute et ne bouge plus, tétanisée, confortablement au chaud, et paralysée de son inconfort, paisible amertume, agréable solitude aussi morbide soit-elle... 

Mais entre exhibition et inhibition il y a une nuance, et je crois que c'est aussi ce que recherche la pluie dans ses complaintes de ne pouvoir aller danser. Peut-être qu'il serait préférable de survoler ces questions-là en se disant que de toute manière, l'exhibition et l’inhibition, passant entre les deux la désinhibition (désinhibition que l'on pourrait voir ici comme une sorte de passerelle menant aux deux extrêmes)  ne peuvent cohabiter l'un sans l'autre. Il en est ainsi par le même processus avec l'exhibitionniste et le voyeuriste, nos deux personnages qui sont l'un de l'autre inconditionnellement dépendants. 

À partir de cela, peut-être que la pluie n'aura plus peur si on lui dit qu'elle n'est pas obligée de se dénuder pour danser. Alors, dans notre utopisme subjectiviste, le ciel décontracterait son chaos - accumulation de courants chauds et de courants froids ou conflit de l'âme - pour y laisser couler la pluie, peut-être même l'orage que le monde lui inspire, et alors, on pourrait aisément dire que c'est en portant du chaos en soi qu'on accouche d'une étoile qui danse. 

La pluie, ce serait l'étoile, et peut-être même que par la suite, j'en viendrai à faire l'éloge de la pluie, ou même de ce que nous avons défini comme étant le chaos : Chaos, puissance salvatrice de la pluie, de tes larmes, de tes cris, de tes songes éventrés et finalement éparpillés sur cette immense feuille blanche sur laquelle est couché mon triste récit.


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